Dans les rues animées de Pointe-Noire, il n’est pas rare de rencontrer des jeunes qui, entre deux éclats de rire ou un regard pensif, se demandent ce qu’ils feront de leur vie. « Je veux devenir avocat, » dit l’un. « Moi, médecin, » lance un autre. Mais derrière ces réponses souvent répétées se cache une incertitude profonde, une quête silencieuse de sens et de direction.
Le choix d’un métier, d’une carrière, est une étape cruciale dans la vie d’un jeune. Pourtant, au Congo, cette décision semble particulièrement ardue. Ce n’est pas seulement un manque de clarté personnelle, mais un défi amplifié par des réalités sociales, économiques et culturelles qui rendent l’orientation professionnelle presque inaccessible pour beaucoup.
Le système éducatif, bien qu’essentiel, est souvent pointé du doigt. Imaginez une salle de classe où l’on enseigne, de manière magistrale, les mêmes notions depuis des décennies, sans grande mise à jour ni lien avec la réalité du marché du travail. Les jeunes qui en sortent sont remplis de théories, mais peu armés pour naviguer dans le monde professionnel. On leur enseigne les dates de l’histoire, les lois de la physique, mais jamais comment trouver leur propre place dans la société. Où sont les ateliers pour découvrir les métiers ? Où sont les conseillers capables de guider les élèves en fonction de leurs talents, de leurs aspirations ? Ces figures, pourtant essentielles, brillent par leur absence.
Dans cette quête de direction, les familles jouent un rôle déterminant, parfois au détriment des rêves individuels. Au Congo, il est courant d’entendre un père ou une mère déclarer fièrement : « Mon fils sera ingénieur, ma fille médecin. » Ces déclarations, souvent faites avec amour, portent néanmoins le poids de la tradition et des attentes sociales. Être avocat ou médecin est perçu comme un succès, une promesse de respectabilité. Mais qu’en est-il du jeune qui rêve de devenir artiste, entrepreneur ou même mécanicien ? Son rêve est souvent relégué au second plan, balayé par la pression familiale ou le regard des autres.
Cette pression est omniprésente, pesante. Les enfants, même les plus passionnés, finissent par plier sous le poids de ces attentes. Ils s’inscrivent dans des filières qui ne les inspirent pas, poursuivent des carrières qui ne leur parlent pas. Combien d’étudiants passent des années à étudier une discipline qu’ils n’aiment pas, simplement parce que cela semblait être le « bon choix » ? Combien se réveillent un jour, à 30 ans, en se demandant où ils ont perdu leur chemin ?
Et puis, il y a le marché du travail. Un vaste terrain de jeu qui, pour beaucoup, semble inatteignable. Les opportunités sont rares, concentrées dans quelques secteurs bien définis : le pétrole, le commerce informel, la fonction publique. Pour les jeunes, cela crée une vision restreinte de leurs options. Les secteurs émergents – technologie, énergies renouvelables, économie verte – restent méconnus, parfois inexplorés. La conséquence ? Une génération qui se limite à poursuivre des emplois déjà saturés, sans savoir qu’il existe des alternatives.
Mais ce n’est pas tout. Trouver un emploi, même dans ces secteurs traditionnels, est un parcours semé d’embûches. Les stages sont rares, les mentors encore plus. Les réseaux professionnels, si essentiels dans un monde interconnecté, restent souvent un privilège réservé à une minorité. Les autres doivent se débrouiller seuls, naviguant à tâtons dans un océan d’incertitudes.
Dans cette tempête, il y a pourtant des lueurs d’espoir. Certains jeunes, malgré tout, osent rêver différemment. Ils prennent des risques, explorent des chemins nouveaux. Ils créent des start-ups, s’initient à la technologie, ou décident simplement de suivre leur passion. Ces initiatives, bien qu’encourageantes, restent isolées. Pour qu’elles se multiplient, il faut un changement collectif.
Ce changement commence par une conversation. Une conversation entre parents et enfants, entre enseignants et élèves, entre décideurs et jeunes citoyens. Elle exige que l’on écoute, vraiment, les aspirations des uns et des autres. Que l’on valorise tous les métiers, qu’ils soient manuels, techniques, créatifs ou académiques. Car chaque profession a sa place, chaque passion mérite d’être explorée.
Elle exige aussi des actions concrètes. Les écoles pourraient intégrer des stages dès le college, inviter des professionnels à partager leurs expériences, créer des clubs où les jeunes peuvent expérimenter différents métiers. Les parents, eux, pourraient encourager leurs enfants à explorer leurs talents, plutôt que de leur imposer des choix dictés par la tradition ou la peur de l’échec. Quant aux entreprises et aux institutions, elles pourraient jouer un rôle actif en formant, en mentorant, en offrant des opportunités.
Le chemin est long, mais il est nécessaire. Car derrière chaque jeune qui trouve sa voie, il y a une promesse d’avenir pour le Congo. Une promesse de créativité, d’innovation, de progrès. Une promesse de voir le pays se transformer, porté par une génération qui ne se contente plus de survivre, mais qui aspire à s’épanouir.
Cedric Lamini
Ajouter un commentaire
Commentaires